« Mon grand-père a voulu écrire un livre sur les souvenirs d’Algérie de sa famille. Sa sœur n’arrivant pas à écrire, je lui ai proposé de l’enregistrer pour qu’il puisse retranscrire ensuite.

Après quelques heures à se raconter, sa sœur raconte sa manière d’échapper à la guerre et le moment où elle monte dans un bateau pour Marseille. Puis cette phrase :

                                   ‘Et là, la galère a commencé’

Mon grand-père écourte : ce n’est pas le sujet. Derrière mon micro je ne comprends pas de quoi il s’agit et je pose des questions mais c’est malvenu. Il me demande d’éteindre le micro. Et là c’est un tabou familial et national qui apparaissent.

Je décide d’enregistrer régulièrement mon grand-père, malgré nos différents politiques, il se prête au jeu, mais 3 mois plus tard un cancer fulgurant l’emporte avec ses récits.

Lors de cette semaine à la Broussaille, j’ai réouvert ces enregistrements, j’ai retracé des chronologies personnelles ou familiales. Constaté les trous dans le récit et la difficulté de se comprendre sans récits commun. A qui profite le silence, les tabous ? Comment se comprendre s’il n’y a pas les mots? Qu’est-ce qui se répète ou se dit dans le silence ?

Cette résidence est une première étape.  Dans un second temps j’aimerai développer des cartes sensibles et des généalogies sensibles, pour trouver un autre moyen de faire récit. »

Doriane Albert