Ils se voient en moyenne deux heures tous les quinze jours, à Angoulême. C’est un processus ouvert, une sorte d’atelier d’écriture au long court dans lequel ils s’efforcent de ne jamais effaroucher le mot rencontre. Nous les avons déjà accueillis plusieurs fois à la Broussaille pour des temps de résidence. Début avril, David Sire a ressenti le besoin de revenir seul pour commencer à raconter, de son point de vue, ce long et patient cheminement.

« Tisser ton poème avec le mien. Tisser mes silences avec les tiens. Entrelacer le timbre de nos voix sans en effrayer les harmoniques. Un jour peut-être, nous trouverons la porte de cette langue commune et nous l’habiterons de plain-pied. Un jour nous parlerons siamois. Tu en as envie. Moi aussi. Mais il est un peu trop tôt. Il faut d’abord que je vide mon sac. Depuis bientôt quatre ans qu’il se remplit du sable de tes mots, il a fini par devenir un peu lourd. Ses courroies cisaillent mes épaules. Sous son poids il m’arrive de tituber. Alors percer des trous. Percer des trous dans ce  grand sac. En faire un photophore, un arrosoir, un sablier, laisser pleuvoir le sable et déposer sur le papier la dune de notre rencontre. Ne plus tenir ma langue par souci de laisser la tienne apparaître. Laisser mes mots aller à la pente de ta pente. Voilà ce que je suis venu faire ici. Seul. Sans toi. Bourré à craquer de toi. » David Sire

Né en 1975, David Sire habite à Angoulême. Après des études de philosophie (ENS rue d’Ulm), il bifurque vers la chanson, inscrivant le mouvement au cœur de toutes ses créations (tournées à vélo, tournées à pied, danse avec Le corps collectif).

En 2011, il invente la bidulosophie et les « cercles bidule », laboratoire de recherche artistique sur l’intimité collective. Il s’intéresse particulièrement à la notion de de parole empêchée.

Depuis quatre ans, l’auteur-compositeur-interprète confirme une mue vers les arts du récit avec la création de trois spectacles : Bégayer l’obscur 2021), The bifurcus experience (2023) et Fuguer or not fuguer (2024).